
Le MSD et Alexis Sinduhije, boucs émissaires d’un régime burundais en quête de contrôle

Depuis plus d’une décennie, le Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD) et son président Alexis Sinduhije incarnent l’opposition politique la plus visible au Burundi. Mais cette visibilité s’est rapidement transformée en un poids lourd : dans le contexte d’un régime autoritaire, le MSD et son leader sont devenus les boucs émissaires d’un système obsédé par la stabilité à tout prix, au détriment des droits fondamentaux.
Un parti d’opposition devenu cible principale
Créé en 2007, le MSD s’est rapidement imposé comme une force politique moderne, portée par une base jeune et urbaine. Son président, Alexis Sinduhije, ancien journaliste et fondateur de Radio Publique Africaine, symbolise cette opposition pluraliste et démocratique.
Cependant, cette montée en puissance a déclenché la répression. Depuis les manifestations de 2014, le MSD a été suspendu, ses membres arrêtés ou harcelés, et son président contraint à l’exil. Officiellement, le régime burundais accuse le parti et Sinduhije de comploter pour déstabiliser le pays, allant jusqu’à les qualifier de terroristes.
Les valeurs d’Ubuntu : un message d’unité face à la division ethnique
Au cœur de l’identité du MSD se trouvent les valeurs d’Ubuntu, ce principe africain fondé sur la solidarité, la compassion et l’humanité partagée. Le parti défend une vision politique qui unit les Burundais toutes ethnies confondues, en rupture totale avec les discours de division fondés sur l’appartenance Hutu ou Tutsi.
Cette philosophie d’Ubuntu est un appel à la réconciliation, à la coexistence pacifique, et à la construction d’un Burundi inclusif où chaque citoyen trouve sa place sans exclusion ni stigmatisation.
Une campagne de haine sur les réseaux sociaux
Au-delà des mesures officielles, le MSD et son président subissent une campagne de désinformation et de haine virulente sur les réseaux sociaux. Facebook, X, WhatsApp sont saturés de messages calomnieux accusant Sinduhije et ses militants de trahison, d’allégeance à des puissances étrangères ou d’activités terroristes.
Ces campagnes, souvent orchestrées par des comptes proches du pouvoir, incitent à la violence contre les membres du parti et alimentent la polarisation politique. Elles contribuent à renforcer la stigmatisation sociale et à isoler l’opposition dans un climat de méfiance généralisée.
Dans un récent communiqué, les partis MSD et PPD-Girijambo ont dénoncé une montée inquiétante des discours de haine ethnique au Burundi, alimentés par le régime en place et certains milieux d’exilés.
COMMUNIQUÉ des partis @MsdBurundi & @PpdGirijambo |
Les partis MSD et PPD-Girijambo dénoncent une montée inquiétante des discours de haine ethnique au #Burundi, alimentés par le régime en place et certains milieux d’exilés. Une situation explosive qui exige une réaction… pic.twitter.com/uRJ8ZRftLL— Parti MSD Burundi (@MsdBurundi) April 3, 2025
La théorie du bouc émissaire à l’œuvre
La dynamique autour du MSD illustre parfaitement la théorie du bouc émissaire, telle que développée par le philosophe René Girard. Dans ce modèle, un groupe ou une personne est désigné comme responsable des maux d’une société, servant de « substitut sacrificiel » pour canaliser la colère collective et préserver la cohésion du groupe dominant.
Dans le cas burundais, le MSD joue ce rôle : son exclusion du jeu politique et sa diabolisation permettent au régime de détourner l’attention des problèmes structurels du pays, comme la corruption, le chômage ou les tensions ethniques.
Conséquences humaines et politiques
Cette stratégie a des conséquences dramatiques. Des milliers de militants du MSD ont été arrêtés, parfois torturés, et beaucoup ont choisi l’exil. Le débat politique est réduit au silence, remplacé par une logique de confrontation permanente entre pouvoir et opposition.
Alors que le pays a organisé les élections législatives et communales ce 5 juin 2025, le MSD estime que ce ne sont que des simulacres d’élections organisées par le régime CNDD-FDD dans le seul but de se maintenir illégalement au pouvoir.
Vers une sortie de crise ?
La persistance du modèle du bouc émissaire empêche toute réconciliation durable. Tant que le pouvoir choisira de sacrifier ses opposants plutôt que de les intégrer dans un dialogue sincère, la paix politique restera fragile.
Le Burundi est à la croisée des chemins : l’avenir politique du pays dépendra en grande partie de sa capacité à dépasser ces logiques d’exclusion pour construire une démocratie inclusive.
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