La communauté internationale aux abonnés absents

À se demander à quoi sert de faire des élections dans la seule région d’Afrique où les chefs d’État peuvent encore l’être à vie. Quinze ambassadeurs représentant les membres du Conseil de sécurité ont fait le déplacement le 8 octobre à Kinshasa, pour s’assurer que le scrutin ait lieu à la date prévue et dans les bonnes conditions. Ils savent qu’il n’y a aucun suspense sur les résultats. Et qu’il y aura sans doute une crise.

Dans ce contexte, l’annonce faite en juin dernier de Pierre Nkurunziza, président du Burundi, de se retirer de la course en 2020, a paru des plus surréalistes. Personne n’y a cru une seconde. D’autant moins que le régime de Bujumbura avait organisé un mois plus tôt un référendum constitutionnel remporté à 73 % des suffrages, dans des circonstances là encore répressives et contestées par l’opposition. Le chef de l’État, qui devait se retirer en 2015 au bout de deux mandats, s’est présenté pour un troisième en faisant le forcing, sans même modifier la Constitution. Il a été le premier, dans une région des Grands lacs difficile à séparer de l’Afrique centrale, à envoyer le signal qu’il est possible de se maintenir au pouvoir, malgré le soulèvement populaire qui a balayé Blaise Compaoré en octobre 2014 au Burkina Faso, en Afrique de l’Ouest, pour cause de « tripatouillage » constitutionnel. Le régime burundais, responsable d’au moins 1 000 morts, 800 disparus, 6 000 prisonniers et 250 000 réfugiés depuis 2015, a maintenant toute latitude pour retailler la loi fondamentale et se maintenir jusqu’en 2034. Il n’a même pas jugé utile de se rendre aux dernières négociations inter-burundaises organisées fin octobre en Tanzanie, pays médiateur dans la crise.

« Dans le cas du Burundi, il paraît très clair qu’il n’y a pas de communauté internationale — ou alors elle se trouve aux abonnés absents… En fait, il n’y a pas de numéro que nous puissions appeler », note l’opposant Alexis Sinduhije, ancien journaliste, fondateur de la Radio publique africaine (RPA) et du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD), un parti qui mobilise la jeunesse sur son programme non ethnique.

Par Sabine CESSOU

Source  https://blog.mondediplo.net


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