L’économie burundaise en régression suite à l’enlisement de la crise politique

Avec une population de près de 11 millions d’habitants, une fécondité plus élevée et une population essentiellement agricole, la croissance économique burundaise est sévèrement affectée par la grave crise politique que traverse le pays depuis 2015.

En effet, suite à un cortège d’événements défavorables, tels que la suspension des aides financières des principaux bailleurs de fonds, l’assèchement des réserves de change, l’inflation des prix des produits d’importation et la baisse des investissements, cette crise a plongé le pays dans un état de fragilité économique que reflète le taux de croissance toujours négatif, – 1,6% en 2016 et – 1,3% en 2017, le déficit budgétaire estimé à 8,2% du PIB en 2017 ainsi que l’arrêt du financement des grands travaux publics ; malgré une augmentation de la taxation des produits de base.

La récente suspension des activités des ONGs sur le territoire national vient pour exacerber une situation déjà  fragile.

Le climat des affaires a aussi été affecté comme l’illustre le rapport Doing Business 2018 pour l’année 2017 de la Banque Mondiale qui classe le Burundi en 164ème position sur 190 pays soit un recul de 7 places par rapport à 2016.

Le Burundi  occupe quasiment la dernière position dans tous les secteurs, aussi bien au niveau régional qu’au niveau continental. Dans le classement global suivant les indicateurs: économie, bonne gouvernance, stabilité des institutions et démocratie, le Burundi est classé dans le groupe des cinq derniers pays avec l’Erythrée, la Somalie, le Soudan du Sud et le Centre Afrique.  Un point commun pour ces pays: ce sont des pays plongés dans des crises politiques interminables.

En ce qui concerne le PIB ( Produit Intérieur Brut) , sur 54 pays Africains classés, le Burundi occupe la 52ème place avec un PIB annuel par habitant de moins de 300 $ Américain au moment où le Rwanda affiche un PIB de 721$ Américains, 685 $ Américains pour l’ Uganda, 768 $ Américains pour la Tanzanie, et 1461 $ Américains pour le Kenya.

La forte dépendance de l’économie à l’égard du secteur agricole (plus d’un tiers du PIB) rend le pays extrêmement vulnérable aux chocs extérieurs comme en témoigne l’impact sévère des aléas climatiques et des mesures commerciales sur les recettes d’exportation ainsi que la balance commerciale.

La rareté des devises et la perte de valeur de la monnaie nationale provoquent une pénurie des produits stratégiques (exemple: aujourd’hui le carburant manque dans certaines provinces où un litre coûte plus de 4000Fbu; certains médicaments manquent ou coûtent cher si on peut en trouver, etc.) et une flambée  des prix ainsi qu’une diminution du pouvoir d’achat.

  1. Agriculture

Elle se caractérise par une faible productivité alors que la population consommatrice ne cesse d’augmenter. L’agriculture est le moyen de subsistance pour plus de trois quart des Burundais alors qu’elle représente moins de la moitié de la richesse produite (43% du PIB annuel) chaque année pour le pays. Cela s’explique par la faible productivité liée au manque d’éducation et de formation et la faible modernisation des techniques de production.

L’agriculture est la source principale des devises étrangères (hors dons) du pays. Elle compte pour 95% des exportations, le café et le thé représentant une part de 80%.

Elle  emploie autour de 90% de la population.

Ce secteur comme tous les autres se porte dangereusement mal:

  • Faible fértilité des sols
  • Plus de 30% des sols sont acides
  • Relief accidenté dans l’ensemble; les pentes rendent les sols érosifs: perte de terres en quantités énormes évaluées à plusieurs tonnes par an
  • Région Est: perte de 4Tonnes par ha et par an
  • Région Centre Ouest: perte de 18Tonnes par ha et par an
  • Région Mumirwa et Ouest: perte de 100Tonnes par ha et par an
  1. Conditions de vie

Les conditions de vie et l’accès aux services se dégradent. Le seuil de pauvreté au Burundi s’élargit année après année. Alors qu’en 1992 le nombre de pauvres était estimé à 30%, il est passé à plus de 70% en 2016.

Toutes les catégories de la population sont concernées, d’où :

  • La demande intérieure pour les produits a baissé
  • Le pouvoir d’achat des fonctionnaires a sensiblement diminué; ils vivent de l’endettement auprès des boutiquiers et des commerçants
  • Pour survivre, nombreux Burundais doivent chercher un second emploi, pratiquer la petite corruption ou éliminer toutes les dépenses non essentielles

2.1Alimentation

Environ 3.600.000 Burundais ont aujourd’hui besoin d’une assistance alimentaire. La situation nutritionnelle et l’évolution de la sécurité alimentaire renseignent que un enfant sur deux au Burundi a des retards de croissance et d’une manière définitive ; le seuil d’alerte étant de 40%; le Burundi atteint le taux de 58%. Cette situation a un impact négatif sur le développement normal de l’être humain et risque de privé le Burundi de son futur capital humain, facteur de développement socio-économique.

2.2 Santé et éducation

Les progrès réalisés en matière de santé et éducation jusqu’en Juin 2014 ont été littéralement anéantis.

 Santé :

  • De nombreux médecins ont quitté le pays: Un médecin pour 24.236 habitants alors que la norme de l’OMS est de au moins un médecin pour 10.000 habitants.
  • Beaucoup de  médicaments sont introuvables dans les pharmacies ou coûtent très chers suite au manque de devises pour les importer.

Education :

Le secteur de l’éducation reste l’un des secteurs les plus déterminants dans la création de la croissance et le développement. Alors que la banque mondiale annonce dans son rapport 2012 que sur  200.000 personnes entrées dans la vie active au Burundi, plus de 130.000 soit 67% n’ont pas terminé  l’enseignement primaire.

Même si le taux de scolarité à augmenté, le secteur connaît plusieurs défis:

  • La qualité des locaux laisse à désirer (certaines classes sont sans fenêtres et / ou portes, les enfants suivent les leçons étant assis à même le sol, ou sur des pierres avec parfois un nombre  très élevé par classe (un effectif pouvant atteindre 140 enfants et même plus a été documenté dans plusieurs écoles primaires).
  • Insuffisance des enseignants en qualité et en nombres
  • Coût de scolarité élevé malgré les gratuités annoncées (43.000Fbu / enfant et par trimestre dans l’enseignement public à internat- rentrée scolaire 2018/2019)

2.3 Espérance de vie:

Elle dépend des facteurs comme la sécurité, l’alimentation, hygiène de vie, la performance du  système de santé.

Le Burundi vient une fois de plus en dernière position dans la sous région et en dessous de la moyenne Afrique qui est de 57 ans.

Pays Espérance de vie
Burundi 54 ans
Ouganda 59 ans
Kenya 61,7 ans
Tanzanie 61,7 ans
Rwanda 64 ans

2.4 Chômage

Les données récentes sur l’emploi renseignent de forts taux de chômage parmi les jeunes (âgés de 15à 35ans) de l’ordre de 65% dans la capitale Bujumbura et de 55% dans les zones rurales.

 

I. Burundi, quelques indicateurs économiques selon ECONOMICS 2018

Vue d’ensemble Chiffres Référence
Population 10,9 millions Décembre 2017
PIB annuel  3,48 milliard de $ USA Décembre 2017
PIB annuel par habitant 217 $ USA Décembre 2017
Taux de croissance annuel -1,3% Décembre 2017
Exportations 19.855 millions Fbu Juin 2018
Importations 98.791 millions Fbu Juin 2018
Balance commerciale -78.936 millions Fbu Juin 2018
Taux de chômage 7,7 Décembre 2018
Taux d’inflation -5,6 Septembre 2018
Corruption (rang mondial) 157 Décembre 2017
Facilité des affaires (rang mondial) 164 Décembre 2017
Salaires hautement qualifiés 135.200 Fbu / Mois Décembre 2017
Salaires peu spécialisés 98 300 Fbu /Mois Décembre 2017
Inflation alimentaire -15,6% Septembre 2018

 

II. Quelques pistes de solutions 

Pour sortir du gouffre socio-économique dans lequel notre pays est tombé, il faut agir simultanément et dans l’immédiat sur tous les secteurs de la vie nationale: il s’agit principalement de la paix et sécurité, la production des biens et services, l’emploi, l’alimentation, les soins médicaux, l’habitat, etc.

1. Paix et sécurité

a. La paix et la sécurité vont de pair avec le climat politique. Les autorités du pays sont les premiers responsables de la sécurité des citoyens. Elles doivent assurer la cohabitation pacifique des partis politiques: ouvrir l’espace politique à tous les partis, garantir la liberté des citoyens dans toutes ses dimensions, garantir les droits de l’homme et la démocratie.

b. Sans paix et sécurité, la population ne peut pas vaquer à ses activités journalières donc, sans paix et sécurité, il n’y a point de développement socio-économique.

2. PIB

La production des biens et services diminue alors que la population ne cesse d’augmenter. L’idéal serait que la production des biens et services soit en avance sur l’accroissement de la population. Pour cela, il faut une croissance annuelle du PIB supérieure à celle de la population. Il faut agir surtout sur les secteurs directement porteurs (agriculture, énergie et infrastructure, agro-industrie, mines, pour ne citer que ceux-ci).

a. Agriculture

Elle intervient pour une part de plus de 45% dans le PIB annuel et emploie plus de 90% de la population. C’est un secteur privilégié pour l’économie du pays. Malheureusement, il est compris parmi les plusieurs ministères dits « services économiques et sociaux » qui ne totalisent que 40% du budget national. Il faut relever son budget pour augmenter la productivité en luttant contre l’érosion, en disponibilisant plus de fumier par le développement de l’élevage et la fourniture des engrais chimiques à la population à un prix accessible (il est alors question de subventions de l’Etat), en introduisant des méthodes modernes de culture et en assurant une formation adéquate aux divers intervenants dans ce secteur.

Le café et le thé procurent l’essentiel des devises dont le pays a besoin. Alors qu’actuellement la population se désintéresse de la culture du café et celle du thé mais dans une moindre mesure, il faut revoir la rémunération accordée aussi bien aux caféiculteurs qu’aux théiculteurs, leur assurer un bon encadrement  pour rehausser le niveau de productivité.

Le gouvernement devrait également diversifier les cultures d’exportations pour avoir plus de devises.

b. Energie et infrastructures

Il s’agit principalement de l’énergie électrique, des routes, des télécommunications, etc. Ils procurent des revenus très importants à la population utilisatrice tant dans le secteur formel que dans l’informel: exemple la disponibilité de l’énergie électrique permet une multiplication rapide des salons de coiffure, des ateliers de soudure, tant dans les villes que dans les milieux urbains; le développement du secteur des télécommunications accroît le nombre de points de vente des matériels de télécommunications (cartes de recharge, mobiles, chargeurs, etc); l’amélioration des routes permet un commerce rapide et une conservation en bon état du matériel de transport.

Ainsi, les revenus tirés de ces services aident la population bénéficiaire (actuellement nombreuse) à faire face à leurs besoins vitaux en même temps qu’ils payent les impôts et taxes à l’Etat.

Cependant, à l’heure où nous sommes ce domaine n’est pas suffisamment développé alors qu’il pourrait contribuer à l’augmentation du PIB.

Comme solutions, le gouvernement devrait construire des nouveaux barrages électriques, améliorer l’état des routes, faire accéder le matériel de télécommunications à un plus grand nombre de population et à un prix accessible.

c. L’ agro- industrie

La transformation et la bonne conservation des produits agricoles et d’élevage sont des services à développer vue la place de l’agriculture dans l’économie du pays. L’agro-industrie apporte une valeur ajoutée à la production.

d. Secteur des mines

Il faut développer ce secteur de façon intelligente. Eviter que les produits provenant de la vente des minerais soient accaparés par les sociétés exploitatrices au détriment de l’intérêt national. Pour cela, il faut des contrats bien étudiés, si besoin, demander l’expertise des organisations étrangères bien rodées en la matière.

Il faut également pour l’avenir, penser à acquérir des équipements modernes en vue d’une transformation des minerais en produits finis.

Ce secteur est aussi gangrené par le détournement des revenus ainsi que la corruption. Exemple: très récemment le deuxième vice-Président vient d’annoncer qu’il y a plus 45 millions de dollars américains de revenus miniers qui n’ont jamais été rapatriés au Burundi; et le Ministre en charge des mines d’emboîter le pas: «plus de 83% des revenus provenant du secteur minier ont été détournés».

  1. La corruption

Son niveau est inquiétant. Il faut coûte que coûte procéder à l’éradication de la corruption. On peut produire beaucoup mais avec un niveau de corruption élevé, les résultats escomptés ne sont pas atteints.

  1. L’emploi/chômage

L’emploi va de pair avec le développement du secteur privé :

– Il faut faire rentrer les hommes d’affaires burundais qui ont fui le Burundi à cause de l’insécurité, de la corruption, du niveau d’imposition et de taxation, etc.

– Il faut aussi intéresser les investisseurs étrangers pour venir investir au Burundi (investissement direct étranger). Cela passe par l’amélioration de la paix et la sécurité, la lutte contre la corruption; l’amélioration des infrastructures (routes, énergie électrique : éliminer ou diminuer sensiblement les coupures d’électricité, niveau de débit internet, etc.), niveau d’imposition fiscal, intérêts bancaires, etc; c’est-à-dire un climat d’affaires favorable à l’investissement :

– Les donateurs étrangers (ONGs) à côté des multiples services qu’ils offrent à la population (distribution des semences sélectionnées, intervention dans le domaine de l’alimentation, de la santé, de l’éducation, de l’habitat, du retour des refugiés, etc) fournissent de l’emploi à un grand nombre de population.

– Les partenaires financiers (Banque Mondiale, FMI, BAD, etc) financent les grands projets d’investissement (routes, barrages, hôpitaux, etc) à haute intensité de main d’œuvre.

En conclusion, afin donc d’accroître le niveau d’emploi et d’éviter la paupérisation de la population, les autorités nationales devraient développer le secteur de l’agriculture, le secteur privé y compris le secteur de l’investissement étranger et soigner les relations avec les ONGs ainsi que les partenaires financiers responsables pour une part respectable de la promotion de l’emploi et de l’entrée des devises au pays.

  1. L’inflation

L’inflation qui a entre autres les conséquences suivantes doit être maitrisée. Il s’agit :

  • De la diminution du pouvoir d’achat des consommateurs qui consomment moins avec toutes les conséquences qui s’ensuivent comme la mévente chez les entreprises commerciales d’où une diminution du PIB et des impôts et taxes
  • De la restriction des importations.
  • De la méfiance des investisseurs à s’engager dans un pays où la monnaie est faible et volatile.

Solutions :

  • Diminution des dépenses publiques et même celles des agents économiques
  • Contrôle de la masse monétaire
  • Contrôle des prix surtout des produits importés

Références

ISTEEBU (Annuaire statistique  2016)

IDEC (Revues économiques 2015-2016)

OAG (Rapport 2017)

BAD (Perspectives économiques en Afrique 2018)

PARCEM (rapport 2017-2018)

OLUCOME (rapport 2017-2018)

ECONOMICS (Rapport 2017-2018)

Par Jean Bosco Baranyizigiye


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