L’Ethiopie et l’Afrique orientale en 2018 : Etat des lieux.

 

Introduction

     L’Afrique de l’Est est la région la moins connue du continent dans le monde francophone, en raison du peu de pays ayant opté le français comme « langue officielle ». Pourtant, les locuteurs de cette belle langue existent bien à Djibouti, en Éthiopie, au Kenya, et surtout au Rwanda et au Burundi (anciennes colonies passagères belges (1945-1962), après la période de tutelle de la Société des Nations (1919-1945) et la période de la colonisation allemande (1900-1919) démarrée après la conférence de Berlin distribuant l’Afrique aux puissances coloniales européennes). Bien entendu, les Îles Seychelles participent également à la francophonie.

Cependant, globalement, la majeure partie de la population de l’Afrique Orientale est majoritairement anglophone (Kenya, Tanzanie, Ouganda, Soudan du Sud), ou alors les pays ont décidé d’adopter l’anglais comme principale langue de communication extérieure (Éthiopie, Somalie, Rwanda). Aussi, à l’exception des plus petits pays de la région, Djibouti et les Seychelles, anciennes possessions françaises, le Français n’est pas dominant. Le plus grand et le plus peuplé des pays de l’Afrique Orientale est l’Éthiopie : 1,137 million de km² et 96,6 millions d’habitants en 2017 (selon la Banque mondiale). C’est une République Fédérale Démocratique, rassemblant 84 peuples réparties en autant de langues principales, dont les plus parlées sont l’oromo (34% environ) et l’amharique (30%). A l’opposé, malgré une histoire très tourmentée avec le monde arabo-musulman, et dont l’islam a pénétré jusqu’à conquérir environ 30% de pratiquants dans le pays, l’arabe n’est parlé que par moins de 500.000 habitants. Les Éthiopiens restent attachés à leur Église Éthiopienne Chrétienne Orthodoxe à 44%, alors que 19% sont protestants, soit 63% de chrétiens.

Aujourd’hui, la République Fédérale Démocratique d’Éthiopie est présidée par Sahle-Work Zewde, en remplacement du démissionnaire Mulatu Teshome, depuis le 25 octobre 2018, pour un mandat de six ans renouvelable une seule fois. Les attributions de la présidente sont limitées par la Constitution de 1995 : elle promulgue les lois, signe les traités internationaux, convoque les deux chambres du Parlement en congrès, reçoit les lettres de créances des ambassadeurs, et peut exercer le droit de grâce. Les fonctions exécutives sont assurées par le Premier ministre et le gouvernement. Abiy Ahmed, issu des rangs de la composante politique de la majorité parlementaire, l’Organisation démocratique des peuples Oromo, exerce les fonctions de Premier ministre depuis le 2 avril 2018.

Mais, qu’est-ce que l’Éthiopie ?

     C’est un vieux pays, parmi les plus anciens du monde, situé dans le nord-est de l’Afrique, depuis plus de 3000 ans. Il s’intègre dans la corne du continent, à côté de l’Érythrée, de Djibouti et de la Somalie qui constitue le bout de cette corne. Vous trouverez ci-dessous la position géostratégique de l’Éthiopie au sein de l’Afrique Orientale.

Enclavée, l’Éthiopie est entourée de l’Érythrée et de Djibouti au nord, en façade de la mer Rouge et du golfe d’Aden, la Somalie à l’est en façade également du golfe d’Aden et de l’Océan Indien, le Kenya au sud, le Soudan et le Soudan du sud à l’ouest. Six pays bordent l’Éthiopie, et l’enclavent dans les terres, sans accès à la mer depuis l’indépendance de l’Érythrée en 1993. Schématiquement, l’on peut résumer rapidement que l’Éthiopie, sous ses différentes appellations et contours, a connu cinq grandes périodes de son histoire.
Dès origines jusqu’en 330 après Jésus-Christ, c’est la première période de l’Éthiopie antique, plongeant ses racines loin dans la profondeur de l’histoire, en échanges réguliers avec le peuple hébreux historique, dont une branche rattachée à la reine de Saba est considérée comme la descendance du roi Salomon, roi d’Israël. En 330, le territoire d’Éthiopie devient le deuxième royaume organisé chrétien au monde après l’Arménie. C’est cette conversion au christianisme historique qui subsiste encore de nos jours avec l’Église Éthiopienne chrétienne orthodoxe. La France chrétienne sous Clovis Ier n’est convertie que longtemps après l’Éthiopie. En effet, le baptême de Clovis marquant la conversion de Clovis Ier à la religion chrétienne en l’an 496 est un repère pour la France. C’est cet événement qui a été le symbole pour l’Église catholique, et une repère important pour la nouvelle identité politique et culturelle de la Monarchie française. Mais, la France restera longtemps catholique romaine.
    –La nouvelle ère s’ouvre avec l’Éthiopie chrétienne, traverse le royaume D’mt, jusqu’à l’apogée du royaume d’Aksoum vers 1270. C’est ce royaume qui a résisté, par les armes, à l’invasion arabo-musulmane, à plusieurs reprises, parfois avec l’aide des autres pays chrétiens de l’époque. Depuis le début du 9esiècle, la conquête arabo-musulmane se répandait par les guerres saintes sur toute l’Afrique septentrionale à partir de l’Égypte, ainsi que sur le bassin méditerranéen européen. C’est la résistance du royaume d’Aksoum qui a épargné l’Éthiopie de l’occupation des Arabo-musulmans.
La troisième période est marquée par le long règne de la dynastie Salomonide, couvrant la période de 1270 à 1974, date du coup d’État contre l’Empereur Hailé Sélassié Ier, né Ras Tafari Makonnen, ayant régné de 1930 à 1936, puis de 1941 à 1974. La dynastie Salomonide a également connu des guerres répétées lancées par des troupes arabo-musulmanes, jusqu’à recourir à l’alliance avec les troupes portugaises en 1541 pour parvenir à repousser la conquête arabe. La conférence de Berlin de 1885 décide du partage de l’Afrique entre les colons européens, et c’est le roi d’Éthiopie, Yohannes IV qui fait face à l’assaut des Occidentaux pour préserver le royaume de la colonisation. Parallèlement, il repousse de nouvelles attaques des Arabo-musulmans d’Égypte, signe une alliance avec les Anglais pour repousser les attaques des Soudanais. En 1896, c’est le successeur, le roi Menelik II qui envoie 100.000 Éthiopiens pour écraser l’armée italienne à la bataille mémorable d’Adoua. Cette victoire est encore aujourd’hui dans les mémoires des Éthiopiens. Arrivé au trône à 38 ans en 1930, le jeune Empereur Hailé Sélassié Ier fait face à l’invasion de l’Italie fasciste lancée en 1934, et qui occupe partiellement l’Éthiopie de 1935 à 1941. L’intervention des troupes coloniales belges du Congo et des forces françaises d’Afrique parvient à reconquérir les territoires occupés par l’Italie, et à réinstaller l’Empereur Hailé Sélassié Ier à son trône en 1941. Pays n’ayant pas été colonisé, l’Éthiopie participe à la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) qu’elle installe dans sa capitale le 25 juin 1963. L’empereur reste proche du bloc occidental. La « guerre froide », démarrée en 1961 entre les États-Unis d’Amérique (USA) et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), provoque des dégâts collatéraux en Afrique, particulièrement en Éthiopie. En 1974, l’Empereur Hailé Sélassié Ier est renversé par un coup d’État militaire soutenu par l’URSS et les troupes du Cuba. C’est alors la fin de la plus ancienne monarchie du monde.
La quatrième période, très courte, du coup d’État de 1974 à la nouvelle Constitution de 1995. La fin de la terreur et la chute de la dictature militaire en 1991 ouvre une transition politique vers cette nouvelle Constitution. Cette période se caractérise par le régime militaire de la terreur, avec des massacres des manifestants contre les exactions et les corruptions des membres du régime –notamment des étudiants-, entre 1974 et 1977, puis par une guerre civile de 1977 à 1981 jusqu’à la chute de la dictature en 1991. Un régime de transition se met en place entre 1991 et 1995, entérine l’indépendance de l’Érythrée qui se détache de l’Éthiopie en 1993, promulgue une nouvelle constitution entrée en vigueur le 21 août 1995, et institue une nouvelle organisation du pays en République Fédérale Démocratique d’Éthiopie (RFDE). Le pays est alors divisé en neuf régions géographiques, dont deux villes-régions d’Addis-Abeba et Dire-Dawa, les deux plus grandes villes d’Éthiopie. Mais, le pays reste rural : seules les deux villes-régions dépassent le million d’habitants, dont plus de quatre millions à Addis-Abeba et plus de deux millions à Dire-Dawa. Le pays est alors confronté à l’impératif d’assurer le développement au sein de chaque région, afin d’assurer la cohésion nationale, lutter contre les fractures économiques entre les régions et opposer l’action et le résultat aux forces indépendantistes.
    –La dernière période s’ouvre avec la nouvelle Éthiopie, née avec la Constitution du 21 août 1995, connaît également quelques attaques, dont celle de l’Érythrée en 1998, mais elle est repoussée avec une perte de 80.000 hommes dans les combats pour les deux pays. Entre 2006 et 2009, c’est l’insurrection du Front national de libération de l’Ogaden (FNLO), soutenu par la Somalie et des Islamistes. L’Éthiopie parvient à conserver son unité territoriale. L’artisan de cette nouvelle Éthiopie est incontestablement Meles Zenawi, qui a assuré la transition du pouvoir depuis 1991 jusqu’à la nouvelle Constitution du pays en 1995, puis qui a présidé aux destinées de cette Éthiopie jusqu’à sa mort le 21 août 2012.  En effet, après la chute officielle du régime du Derg, la dictature militaire, le 28 mai 1991, Meles Zenawi devient président du gouvernement de transition jusqu’au 22 août 1995. À la suite des élections de 1995, il devient officiellement Premier ministre le 23 août 1995 selon la nouvelle Constitution entrée en vigueur le 21 août 1995, et engage son pays dans une phase des réformes : multipartisme politique, liberté religieuse, élections démocratiques et privatisations de nombreux secteurs. L’Éthiopie devient officiellement la République Fédérale Démocratique d’Éthiopie (RFDE). Au niveau administratif, le pays est alors découpé en différentes régions, déterminées selon des bases ethniques. A sa mort, Haile Mariam Dessalegn, membre de la même coalition que Meles Zenawi, le Front Démocratique Révolutionnaire du Peuple Éthiopien (FDRPE), lui succède. Il était vice-Premier ministre depuis le 

L’Éthiopie face à la demande urgente du  développement économique et social

     L’économie éthiopienne est essentiellement agricole. L’étendue du pays de 1,137 million de km², soit plus de deux fois la superficie de la France métropolitaine, s’étend sur plusieurs climats selon l’altitude. Six zones se dégagent : au-dessus de 3800m, c’est le climat froid alpin, des hautes montagnes, avec des températures atteignant jusqu’à 5°C. Entre 1400m et 3800m, on retrouve le climat tempéré. La savane se rencontre sur les terres entre 1000m et 1400m et le climat tropical  couvre les territoires entre 500m et 1000m. C’est sur ces terres que l’agriculture variée est largement pratiquée. Viennent ensuite des terres semi-désertiques, entre 100m et 500m, alors que le climat désertique couvre les terres situées à moins de 100m d’altitude. La végétation, et donc les cultures, est très variée selon les zones climatiques et de relief.

Avec plus de 96,6 millions d’habitants en 2017, dont une population jeune avec plus de 60% des moins de 20 ans, le pays est confronté à un impératif urgent de développement pour faire face à l’explosion démographique et réduire les tensions intercommunautaires, tout en garantissant le progrès économique et social dans toutes les régions. C’est le deuxième pays le plus peuplé du continent africain, après le Nigeria ; mais ce dernier est doté d’immenses ressources naturelles (premier producteur de pétrole d’Afrique, importantes ressources minières, et d’immenses terres fertiles) dont ne dispose pas l’Éthiopie.

Cependant, pour imprimer un développement durable et solide, tout pays doit disposer d’un soubassement incontournable : la paix et la sécurité intérieure durables. C’est le combat que mène le Premier ministre Abiy Ahmed, car il a compris que c’est par ce soubassement qu’il fallait commencer. En signant un accord de paix avec l’Érythrée et avec la Somalie, il veut asseoir la paix aux frontières, et ouvrir des échanges économiques avec ces pays, tout en s’en servant pour atteindre les ports en vue de densifier les échanges internationaux. Ces deux pays importants s’ajoutent à Djibouti pour ouvrir l’accès de l’Éthiopie à la Mer Rouge par l’Érythrée, et vers l’Océan Indien par la Somalie. Il n’y a pas de développement économique sans échanges avec l’extérieur, autant pour les exportations que pour les importations.

Après ce soubassement, l’Éthiopie devra faire face à la sécurité alimentaire. Actuellement, environ 10% de ses échanges s’effectuent avec les autres pays africains. Mais, c’est en Afrique que les importations alimentaires sont les moins chères, avec des offres de produits variés, en participant ainsi au développement des autres pays fournisseurs du continent, à condition de développer et maintenir parallèlement les infrastructures et les moyens de transports.

Or, l’Éthiopie présente un important déficit en infrastructures : sur les routes, pour atteindre un ratio des pays émergents continentaux (Brésil, Inde, Chine, Turquie, Afrique du Sud, Australie…), proportionnellement à sa superficie et à sa population, l’Éthiopie aurait besoin de 498.400 km de routes (soit plus de 11 fois la longueur de ses routes en 2013). Sur les chemins de fer, le déficit est encore criant : il faudrait environ 15.500 km de rails (soit environ 23 fois la longueur actuelle des chemins de fer du pays).

En comparaison, dans la même région de l’Afrique Orientale et selon les mêmes critères, le Kenya voisin n’aurait besoin que de 199.200 km de route (soit seulement 1,2 fois la longueur en 2013) et environ 3.600 km de chemin de fer (soit 1,7 fois la couverture ferroviaire actuelle). Même l’Érythrée est proportionnellement mieux dotée que l’Éthiopie, avec les besoins de neuf fois la couverture actuelle pour les routes et deux fois pour les chemins de fer. A défaut des voies terrestres pour un pays aussi étendu, les voies aériennes deviennent des recours et un complément indispensables. D’autant que le relief montagneux et des massifs en Éthiopie peuvent dissuader les modestes investissements du pays en infrastructures terrestres dans des viaducs et des tunnels.

Pour les infrastructures aériennes, le pays dispose de l’une des meilleures compagnies aériennes internationales d’Afrique, bien équipée et très développée,Ethiopian Airlines ; mais, sur 56 aéroports intérieurs du pays, 13 seulement seraient en bon état, avec des pistes goudronnées. Cette offre est donc insuffisante pour développer le tourisme à travers les régions du pays, le fret aérien, les déplacements rapides des personnels d’entreprises, des entrepreneurs et des biens sur les territoires. Enfin, le pays est réparti en régions. Pour que ces régions de la fédération se développent, il faut organiser les infrastructures économiques qui facilitent les échanges et la déconcentration d’Addis-Abeba et de Dire-Dawa vers les autres régions. Il ne peut y avoir de développement en Éthiopie sans progrès économique, social et culturel dans les différentes régions du pays, à travers l’organisation des pôles économiques régionaux qui rayonnent dans chaque région du pays. Les infrastructures sont donc au cœur de cette déconcentration et de la relance économique.

Enfin, on aborde la question de la gouvernance politique. De nombreux commentateurs s’étonnent que l’Éthiopie ait une présidente (donc une femme) et un gouvernement paritaire de vingt membres, dont les femmes aux commandes des ministères de la Défense et au ministère de la Paix, des Renseignements et de l’Intérieur. Il convient alors de rappeler que l’Éthiopie est 63% chrétienne, et donc les pesanteurs de la culture islamique phallocratique en faveur des hommes, n’existent pas en Éthiopie. En dehors du symbolique, Ellen Sirleaf Johnson a déjà exercé deux mandats présidentiels au Liberia, à l’issu d’un suffrage universel direct. Ensuite, le Premier ministre Abiy Ahmed, protestant, est issu d’une famille de père Oromo musulman et d’une mère Amhara orthodoxe. C’est la synthèse des deux principales composantes culturelles de ce grand pays. Le regard sur la parité en politique et la responsabilité des femmes aux hautes responsabilités du pays ne sont donc que naturel. D’autant qu’un autre pays de l’Afrique Orientale, le Rwanda, est devenu le champion du monde dans la féminisation des dirigeants politiques, bien loin devant les légendaires pays scandinaves de culture protestante luthérienne. L’Éthiopie héberge le siège de l’Union africaine (UA) depuis la création de son ancêtre OUA en 1963, à Addis-Abeba, selon la volonté même de l’Empereur panafricaniste et grand défenseur de l’identité de l’Afrique, Haile Sélassié. Le pouvoir actuel a donc le devoir de poursuivre cet exemple d’ouverture.

      Quant à l’éducation, l’Éthiopie a réalisé d’importants efforts entre 2000 et 2015. L’éducation primaire est passée de 40% d’enfants scolarisés à 87%. Au même niveau que l’Érythrée en 2000, cette dernière n’a pas progressé au cours de ces années, alors que l’Éthiopie atteint le niveau du Kenya, mais elle reste encore derrière le Rwanda et le Burundi (95% d’enfants sont scolarisés) et de l’Ouganda (94%). Dans le second cycle du second degré, l’Éthiopie est passée de 31% de jeunes à ce niveau de scolarisation en 2000 à 53% en 2015. C’est le meilleur score après le Kenya dans la région, parmi les pays de plus de 5 millions d’habitants. En revanche, le pays traîne un lourd passé de défaut dans l’éducation, et qui se retrouve dans le faible niveau d’alphabétisation des adultes. Avec environ 40% de taux d’alphabétisation, l’Éthiopie se rapproche de la Somalie et du Soudan du Sud, des pays ravagés par des guerres civiles longues d’usure et encore en reconstruction.

µLa sécurité sanitaire, complémentaire de la sécurité alimentaire et médico-sanitaire, est également défaillante. Le pays connaît encore des épisodes de famine et des carences alimentaires, comme la persistance de la sous-alimentation. Le taux de mortalité infantile de 58 pour 1000 n’est meilleur que celui du Soudan du Sud (66 pour 1000) et de la Somalie (85 pour 1000). En comparaison, ces taux sont de 36 pour 1000 au Kenya, et seulement 32 pour 1000 au Rwanda. L’on voit alors l’importance des efforts que doivent déployer les dirigeants de l’Éthiopie aujourd’hui pour progresser, rattraper le retard et assurer un avenir meilleur pour les jeunes générations qui s’impatientent.

     Deux autres piliers du développement ont besoin d’une attention constante. La production et la distribution de l’énergie, qui conditionne le développement de l’industrialisation du pays. Il n’y a pas d’économie durable, solide et pourvoyeuse d’emplois sans l’industrie, la production de la valeur ajoutée et les transformations industrielles des ressources dans le pays. Dans le domaine de l’énergie, l’Éthiopie a déployé des efforts importants, venant de très loin. Entre 1990 et 2016, la distribution de l’électricité a atteint 43% des habitants du pays (après un accroissement de 42 points au cours de cette période). Le pays dispose d’un potentiel en hydroélectricité pour 45.000 mégawatts et d’environ 5.000 mégawatts en géothermie. Il doit également développer l’énergie alternative d’origine solaire. C’est en exploitant toutes ces potentialités que le pays pourra progresser vers 90% de taux de distribution d’électricité en 2025. Devant l’Éthiopie et dans la région d’Afrique Orientale, on retrouve encore le Kenya, avec un taux de distribution de 56% (+ 53 points en 26 ans) et l’Érythrée avec 48% (+29 points) parmi les pays de plus de 5 millions d’habitants. La Tanzanie arrive derrière l’Éthiopie, avec un taux de 33% (après un accroissement de 30 points, de même qu’en Somalie et au Rwanda). Quel que soit le secteur du développement industriel (agricole, transformation des matières premières, sous-traitance industrielle sur des chaînes de montage des biens d’équipements, digital, des technologies diverses avancées, etc.), l’énergie est un prérequis incontournable. Il n’y a donc pas de développement sans innovations, investissements et productions industriels, et ceux-ci nécessitent la disponibilité ininterrompue de l’énergie électrique. De même, le développement indispensable de l’éducation, la culture et la formation professionnelle, de la santé et de l’assainissement public, des infrastructures de transport, requiert l’usage de l’énergie électrique. Avec 43% de taux de distribution, les capacités restent limitées et il faut les accroître rapidement.

Conclusion

L’Éthiopie est un grand pays, par son étendue, par son histoire singulière en Afrique, par son poids et l’explosion démographiques en Afrique,  et par son poids économique en Afrique Orientale. Mais, en raison de sa forte population, soit environ 55% de celle du Nigeria, avec un poids économique de 22% par rapport à cette première puissance économique de l’Afrique, le revenu par habitant de l’Éthiopie en fait un pays encore pauvre. Même ramené au produit intérieur brut en parité de pouvoir d’achat, qui caractérise le niveau de vie par le pouvoir d’achat des habitants, il s’élèverait à environ 1.899 dollars internationaux par habitant, en 2017, contre 5.860 dollars pour le Nigeria et 3.286 dollars pour le Kenya. Dans la région de l’Afrique Orientale et à l’exception des deux petits pays, Djibouti (3.470 dollars pour un million d’habitants) et Seychelles (28.964 dollars pour 97 mille habitants), l’Éthiopie se situe bien au-dessous du Kenya (3.286 dollars), de la Tanzanie (2.946 dollars) et même du Rwanda (2.036 dollars). Aussi, le revenu moyen en parité de pouvoir d’achat des Éthiopiens se situe sous la moyenne de la région, soit 2.224 dollars, tiré principalement par le Kenya et la Tanzanie. Les efforts importants des dernières années dans la production et la distribution de l’électricité place désormais l’Éthiopie au-dessus de la moyenne de la région avec un taux de 42,9% en 2016, derrière les petits pays, Seychelles (100%) et Djibouti (51,8%), mais aussi derrière le Kenya (56,0%) et l’Érythrée (46,7%). De ce fait, en occupant le 5e rang sur les onze pays de l’Afrique Orientale, l’Éthiopie se situe au-dessus de la moyenne de la région, soit 37,3%. Cependant, elle se situe à la moyenne de l’Afrique subsaharienne de 42,9%, la plus faible des autres régions du monde, telles que l’Afrique du nord, l’Amérique latine et les Caraïbes, l’Asie du Sud ; et donc très loin des régions les mieux équipées du monde (Europe, Amérique du Nord, ou encore l’Asie Orientale).

Pour faire face à la demande urgente des différentes régions du pays, les nouvelles autorités politiques de l’Éthiopie doivent mener dans actions sur tous les piliers indispensables au développement. Dans le même temps, le pays doit ouvrir un dialogue politique et remplir les conditions pour l’intégration dans son espace naturel de l’East African Community, et accélérer les chantiers avec le Burundi, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud et la Tanzanie. Les problèmes de paix et de sécurité durables, de l’énergie, des infrastructures et de l’industrialisation, puiseront dans les efforts communs de tous les pays de cette région.

Région du monde

 Énergie
1990 (%)

 Énergie
2016 (%)

Évolution
2016/1990

Population
2017 (e)

Afrique du Nord
et Moyen-Orient

86,5

98,0

11,5

444 322 420

Amérique latine
et Caraïbes

85,6

97,8

12,2

644 137 670

Asie du Sud

40,6

85,6

45,0

1 788 388 850

Afrique
subsaharienne

15,9

42,8

26,9

1 061 107 720

L’Afrique subsaharienne est sous équipée pour distribuer de l’électricité à ses habitants. La moyenne est de 42,8% d’habitants accédant à l’électricité.

Nom du pays
ou de la Région

 Énergie
1990 (%)

 Énergie
2016 (%)

PIB/PPA
$ 2017

Population
2017 (e)

Seychelles

89,6

100,0

28 963,92

97 023

Kenya

3,3

56,0

3 285,91

47 252 215

Djibouti

59,6

51,8

3 469,97

1 048 999

Érythrée

17,8

46,7

1 343,70

7 166 803

Éthiopie

0,0

42,9

1 899,21

96 552 862(*)

Afrique
Orientale
 

37,28

2 224,90

290 978 549

Tanzanie

2,5

32,8

2 945,88

51 557 365

Somalie

0,0

29,9

1 283,48

13 611 470

Rwanda

0,0

29,4

2 035,65

12 089 721

Ouganda

1,3

26,7

1 863,84

37 873 253

Soudan
du Sud

0,0

9,0

1 535,22

12 864 588

Burundi

0,4

7,6

770,94

10 864 250

Tableau comparatif du niveau de distribution de l’électricité en 2016 en Afrique Orientale et du niveau de vie des habitants, mesuré en parité de pouvoir d’achat. 
(*) selon certaines sources, la populations éthiopienne est estimée à 107 millions, voire 108 millions. Mais, une projection de cette population, au taux de croissance annuelle actuel de 2,36% annuel depuis 2015, donnerait 96,609 millions d’habitants. Aussi, nous retenons la donnée officielle approchée de 96,553 millions.
(source : Banque Mondiale, 2017. Traitement de données : Emmanuel Nkunzumwami).

En Afrique Orientale, l’Éthiopie se situe à la moyenne de l’Afrique subsaharienne dans l’accès des habitants à l’électricité. Mais, cinq pays de cette région n’ont pas encore atteint un taux de distribution de 30%. Les pays ravagés par les guerres entre 1990 et 2016 (Somalie, Rwanda, Soudan du Sud et Burundi) devraient fournir encore plus d’efforts pour atteindre au moins 75% en 2025. Le défi est important, car les besoins le sont tout autant pour les habitants. Le développement économique, social et culturel des nations passe aujourd’hui par l’accès du plus grand nombre d’habitants à l’énergie. L’Éthiopie développe des efforts, avec la coopération chinoise, dans l’accroissement très significatif et rapide de ses capacités de production et de distribution d’électricité.

Emmanuel Nkunzumwami
Analyste économique et politique
Écrivain – Essayiste
Auteur de « Le partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation » et de « La Relance de l’Afrique« .


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