EAC : l’intégration politique , ne risque-t-elle encore de connaitre l’échec de 1977 ?

Au cours du temps, des processus d’intégration économique, monétaire et politique se déroulent à travers le monde. En Afrique, des formes diverses de relations interafricaines, de coopération et d’intégration régionale ont marqué les années soixante. Il est apparu que la balkanisation de l’Afrique constituait un facteur de vulnérabilité extérieure. Elle limitait les possibilités de croissance interne ainsi que son poids dans le monde.

Sur ce, la coopération économique régionale en tant que stratégie de développement fut discutée régulièrement dans les forums des chefs des pays membres de l’OUA. C’est ainsi qu’après une tentative avortée et de longues discussions, un Traité établissant une Communauté Est Africaine et un marché commun fut signé en été 1967 et entra en vigueur le 1er décembre de la même année. Il regroupait le Kenya, l’Ouganda et la République unie de Tanzanie, issue de la fédération entre le Tanganyika et Zanzibar en 1964. La capitale de la Communauté fut fixée à Arusha en Tanzanie.

Mais, la Communauté n’a connu que seulement deux Etats dans son fonctionnement normal. Le coup d’Etat de 1971 en Ouganda mit un terme aux réunions des trois Chefs d’Etat. Les échanges extérieurs de l’Ouganda commencèrent à dégringoler jusqu’à un niveau insignifiant et, de ce fait, le pays cessa d’être un membre effectif de la Communauté, laissant face à face la Tanzanie et le Kenya.

Or, ces deux pays suivent des politiques de développement économique peu compatibles. La Tanzanie eut l’impression d’être spoliée par le Kenya capitaliste. Les deux pays prirent des mesures visant à limiter les échanges à travers leur frontière commune jusqu’à la fermeture totale en avril 1977. A la fin de l’année fiscale de la Communauté en juin 1977, aucun des trois pays n’était disposé à alimenter le Fonds Commun et de ce fait la Communauté dut cesser ses activités.

La Communauté Est Africaine renaît de nouveau à travers la signature du traité le 30 juillet 1999. Ce traité entre en vigueur le 30 juillet 2000. Actuellement, la Communauté Est Africaine est composée de six pays qui sont le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi et le Sud Soudan.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il y a lieu de se demander si la Communauté Est  Africaine, telle que construite aujourd’hui, ne risque pas de revivre le même fiasco qu’en 1977.

En effet, à voir comment  les relations de certains pays membres comme le Burundi et le Rwanda ne sont pas au bon fixe et que la tension à leur frontière commune ne cesse d’augmenter, l’un accusant l’autre d’héberger  l’ennemi, il est difficile de croire à l’aboutissement de cette union politique si ce n’est qu’un miracle.

De plus, le Burundi  vit aujourd’hui dans une situation d’autarcie. Il s’est enfermé sur lui-même en réduisant sensiblement ses échanges économiques avec ses voisins. Il va jusqu’à refuser au pauvre paysan burundais d’aller vendre son régime de banane à son voisin tanzanien, rwandais ou congolais.  La raison avancée par le pouvoir étant de protéger la production burundaise.

A cela s’ajoute le problème endémique des arriérées de cotisations du Burundi qui s’élèvent, à ce jour, à plus de 26 millions de dollars américains, soit près de 90 milliards de francs burundais.

Bon courage aux Présidents des Etats de l’EAC qui se réunissent ce vendredi 1er février 2019 !

Par Lambert Niyonzima

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Références

  1. Cornevin, Histoire de l’Afrique, t, 3, Paris, 1975, Payot, p. 235-6
  2. Dietrich Kappler, Politiques étrangères : Causes et conséquences de la désintégration de la Communauté Est Africaine, No.43-3, pp. 319-330

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