Burundi – Élections de 2020, une perte de temps et de moyens pour rien !

Il y a cinq ans débutait une grave crise sociale, politique et économique au Burundi, consécutive à l’annonce en avril 2015 de la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat qui a provoqué une colère populaire. Dès le 26 avril 2015, en effet, des milliers de personnes toutes ethnies et classes sociales confondues, se sont précipitées dans les rues pour exprimer pacifiquement leur refus de ce troisième mandat anticonstitutionnel. S’en suivirent une répression sanglante faite d’arrestations arbitraires, des tortures, des assassinats, des disparitions forcées et une chasse à l’homme contre quiconque a participé aux manifestations contre ce troisième mandat ou est supposé y avoir participé.

Cinq ans plus tard, le pays n’est toujours pas sorti de cette crise : des centaines de journalistes et opposants sont toujours en exil, les réfugiés dans les pays voisins se comptent par centaines de milliers, des milliers de prisonniers politiques croupissent toujours dans les prisons, la répression contre les membres et sympathisants des partis d’opposition continue, des exécutions extrajudiciaires commises par des imbonerakure, la « milice » du parti au pouvoir, etc. sont quasi quotidiennes. Et c’est dans ce contexte que se préparent les élections de mai 2020.

La question que chacun est en droit de se poser est donc de savoir pourquoi une partie de la classe politique, surtout au sein de l’opposition, ne semble pas consciente de l’importance et de la nécessité de trouver d’abord une solution durable à la crise en cours avant de se lancer têtes baissées dans ces élections perdues à l’avance pour elle compte tenu du contexte politique, socio-économique, sécuritaire et juridique de ces élections.

Ce contexte ne garantit pas la tenue de véritables élections démocratiques, et la majorité de l’opposition et ainsi que la société civile n’espèrent rien des élections de 2020, d’autant plus que la commission électorale (CENI), qui est aux ordres du régime, a déjà annoncé qu’elle n’acceptera pas de missions d’observation internationale. Pire encore, le Conseil National de la Communication (CNC) a instauré un code de conduite des médias pendant la période électorale qui empêche les journalistes de diffuser par quelque canal que ce soit les résultats définitifs ou provisoires d’une élection, autres que ceux publiés par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Le même code interdit aussi aux journalistes de se référer aux résultats des sondages pour diffuser des informations relatives aux élections. Tout cela dans le but d’imposer un contrôle strict des médias durant les élections de mai 2020.

Pour l’opposition et cette société civile, ce qui est souhaitable c’est un gouvernement de transition consensuel et inclusif qui préparerait dans la transparence des élections qui respectent les principes démocratiques.

La communauté internationale semble quant à elle encourager le gouvernement dans l’organisation de ces élections malgré tous ces handicaps qu’on vient de voir, et est même prête à envoyer des observateurs au cas où le gouvernement et la CENI les y autoriserait.

Aujourd’hui, le processus est malheureusement déjà en marche et plusieurs candidats (des partis politiques et les indépendants) aux élections présidentielles se sont déjà déclarés publiquement, d’autres ont même déjà déposé leurs candidatures à la CENI.

Mais malgré cela, ce processus électoral ne rassure personne dans l’environnement sécuritaire et politique que l’on connaît actuellement. Ce ne sera que l’argent du contribuable et le temps qui seront perdus pour rien, car tout reviendra à la case départ par la contestation des résultats et encore une fois la répression sanglante et l’exil pour de nombreux burundais.

La meilleure solution serait donc qu’il y ait un cadre juridique consensuel et rassurant, un espace politique ouvert et inclusif, ainsi que la sécurité pour tous. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui et ne pourrait l’être qu’à l’issue d’un dialogue inclusif et sincère entre acteurs politiques du pays, dont le gouvernement et ses alliés, ainsi que l’opposition de l’intérieur du pays et ceux en exil.

En attendant que ce miracle tant attendu par les « optimistes » arrive, essayons de faire le possible pour au moins contraindre le régime de Pierre Nkurunziza d’arrêter de massacrer des innocents.

Par Annonciate KANZIZA


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