« Burundi à la croisée des chemins : de la répression-militarisation à la paix et l’Etat de droit », web conférence organisée par le parti MSD

Le 25 juillet 2020,de 18H00 à 20H30 (heure de Bujumbura, Bruxelles et Paris), s’est tenue une web-conférence via l’application ZOOM. Cet événement, organisé par le Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD,en sigle), s’est donné comme objectif de débattre sur les évolutions récentes de la crise burundaise.

La web-conférence était articulée en deux sessions, chacune suivie d’une série de questions et réponses entre les auditeurs et les panélistes. Les panelistes ont exposé chacun une thématique : Me Bernard MAINGAIN, avocat au barreau de Bruxelles et membre du collectif des avocats de la partie civile à la Cour Pénale Internationale (CPI) dans le dossier des victimes de la crise burundaise ; M. Ismaël DIALLO, panafricaniste, révolutionnaire et élu au Burkina Faso ; M. Blaise NIJIMBERE dit « Baconib », jeune activiste burundais accompagné des témoignages de deux jeunes réfugiés burundais ; Mme Natacha SONGORE, journaliste-auteur-activiste et M. Alexis SINDUHIJE, président du Parti MSD.

 « L’impact est technique et très limité. Pour le surplus, l’enquête se poursuit normalement »

La première session, animée par Mme Natacha SONGORE a débuté par l’exposé de Me Bernard MAINGAIN sur la justice internationale, et particulièrement sur le dossier des victimes de la crise du Burundi instruit à la CPI.

Après avoir exposé son sujet, il a répondu aux questions suivantes :

  1. Quel sera l’impact du décès du Président Pierre NKURUNZIZA sur le dossier d’enquêtes en cours sur le Burundi ?
  2. La CPI est-elle véritablement indépendante face à l’influence des pays les plus influents et la communauté internationale ?

 Dans un premier temps, Me MAINGAIN a fait savoir que « l’impact est technique et très limité. Pour le surplus, l’enquête se poursuit normalement. Car, sur le plan juridique toute action pénale à l’encontre d’une personne décédée est éteinte, il n’y a plus de possibilité d’agir sauf contre les héritiers en ce qui concerne le préjudice civil ».

« Néanmoins, poursuit-t-il, la CPI reste saisie de l’intégralité du dossier sur toutes les autres personnes qui sont visées par l’enquête. »

Quant à l’indépendance de la CPI, il regrette que « le fait que le budget de fonctionnement de la Cour reste tributaire de certains aléas au niveau de la communauté internationale limite l’action de la Cour. »

 Pour le dossier du Burundi, « le pouvoir judiciaire burundais étant malheureusement inféodé à l’appareil de l’État, l’existence de la CPI est notre chance unique pour pouvoir construire et faire avancer un dossier devant une juridiction pénale et c’est la seule préoccupation de la défense de la partie civile au-delà de toutes autres considérations », conclut-il.

« Chaque génération doit  trouver sa mission et choisir de la remplir ou la trahir »

Pour le deuxième exposé, M. Ismaël DIALLO explique les origines de l’idée du panafricanisme, ses atouts et ses obstacles. Il déplore surtout le fait que « nous n’avons pas su aller jusqu’à l’union des états et des peuples africains dès l’appel de Kwame NKRUMAH et de Julius NYERERE au début des indépendances des pays d’Afrique ».

DIALLO trouve qu’on aurait pu nous unir de plusieurs manières. Malheureusement, « nous avons passé trop de temps dans nos querelles internes et avons oublié que nous avions besoin de nous unir pour avoir une Afrique forte », regrette-t-il.

Aux jeunes d’aujourd’hui, il leur conseille d’adopter « une construction à partir de la base ». Car, selon lui, « c’est par là que ça durera et non pas à partir des sommets des chefs d’Etats et des gouvernements ».

Il ajoute qu’au lieu de continuer à faire des reproches aux aînés (vieux) que « tout jeune se demande, individuellement, ce qu’il peut faire pour son pays. Car, chacun a un rôle à jouer ».

Il conclut son exposé en citant Frantz Fanon qui dit que « chaque génération doit, dans une relative opacité, trouver sa mission, la remplir ou la trahir ».

« Nul ne fera le bonheur des jeunes à leur place. Ils doivent agir pour eux-mêmes »

Ensuite, dans le troisième exposé, M. Blaise NIJIMBERE explique que « la jeunesse, très active dans cette crise, a été l’une des grandes victimes de cette crise ». Selon lui, « cette jeunesse s’est manifestée sous plusieurs visages : les Imbonerakure, les chômeurs ou les jeunes actifs qui sont au Burundi ou dans la diaspora, les prisonniers politiques, les réfugiés ou les déplacés intérieurs, etc. »

Sur l’impact de cette crise sur la jeunesse Burundaise, NIJIMBERE dit qu’en plus de la vie chère quotidienne pour tous les Burundais, « les arrestations arbitraires, viols, tortures, prisons, assassinats, disparitions et exil, sont les principaux exemples de l’impact de cette crise ».

Il regrette surtout que « bien que le troisième mandat inconstitutionnel contesté en 2015 ait pris fin, le Burundi est toujours dans une situation déplorable ». Cela démontre, selon lui, que ce mandat contesté n’était pas la seule cause de cette crise.

« La vie chère, l’injustice, la pauvreté, le taux très élevé de chômage chez les jeunes actifs en particulier sont à l’origine de ce besoin ultime de changement », précise-t-il.

Quant aux perspectives d’avenir, il estime que les jeunes doivent s’impliquer dans la politique afin de participer à l’action publique et imposer des bonnes politiques qui répondent à leurs préoccupations, « car nul ne fera le bonheur des jeunes à leur place. » Toutefois, selon toujours lui, cette participation ne suffit pas à elle seule, car, « au-delà de la crise Burundaise, la construction d’une paix et d’une démocratie réelle et durable passera obligatoirement par le développement des compétences, la promotion de l’emploi, l’entreprenariat, des formations sur les  règles du bon militantisme politique, l’encadrement et l’éveil citoyen à travers l’éducation au dialogue, la résolution pacifique des conflits ainsi qu’aux valeurs humanistes et démocratiques ».

« Anticiper dans nos actions pour s’assurer que le narratif de la noble lutte soit respecté »

Dans la deuxième session du débat, animée par Mme Laetitia KATAGARUKA, Mme SONGORE, qui ouvre le débat, expose sur les crises oubliées. Elle explique que « le Burundi semble tomber dans l’oubli sur la scène internationale, car la communauté internationale paraît se contenter d’une solution aux rabais ».

Selon elle, la conséquence directe de cette « acceptation collective » est qu’elle « rend difficile, voire entrave et même peut rendre impossible tout sursaut national qui serait porté par des citoyens suffisamment courageux pour défier le leadership défaillant oppressif et fasciste de Bujumbura. Car, une telle action sera perçue forcément comme venant déstabiliser un ordre établi, un statuquo ou des intérêts particuliers. » Face à cela, elle demande à tous les acteurs engagés dans cette crise « d’anticiper pour s’assurer que le narratif de cette lutte légitime et très honorable soit respecté et que cette crise ne puisse pas être oubliée ».

En plus de la crise politique en cours, elle évoque d’autres crises qui semblent être oubliées telles que celle des valeurs ; celle de la solidarité (ou du manque de confiance entre les acteurs engagés dans la résolution de la crise), et enfin, celle du statuquo ou de la moyenne.

« Comment donc fédérer les énergies, les esprits et les compétences autour des valeurs communes pour un changement d’impacts ? », se demande-t-elle. Sa réponse est que « chacun apporte sa petite pierre ; mais, ce qui est important aujourd’hui ce n’est pas la participation, mais plutôt la qualité de cette participation et de comprendre l’exigence ou le poids de la qualité de son apport ».

« Pour avoir une solidarité internationale, il faut la construire et la mériter. »

Le dernier exposé est celui de M. Alexis SINDUHIJE. Selon lui, « la solidarité internationale proprement dite n’existe pas ». Mais, il ajoute que pour l’avoir, « il faut la construire et la mériter ».  Afin d’étayer son propos, il donne l’anecdote de la crise burundaise de 1993 : « après le coup d’Etat et l’assassinat de Ndadaye et ses collaborateurs, les survivants se sont battus et leur voix a été entendue par la communauté internationale », explique-t-il.

C’est pour cela qu’il lance un appel aux Burundais : « Mes chers compatriotes, résistons pour nous faire entendre. Je ne vous demande pas de vous suicider, mais d’agir ; car, si on ne construit pas notre lutte, personne ne viendra nous aider et personne ne viendra la faire à notre place. »

Toutefois, il précise que la lutte dont il parle n’est pas seulement une lutte armée, « d’ailleurs je ne suis pas dans cette logique », renchérit-t-il. Selon lui,  « participer à la lutte ou résister veut dire aussi écrire un article, parler et expliquer la situation du Burundi, etc. » Il conclut son exposé en rappelant que « la lutte exige la patience, la résilience et la détermination. »

Concernant la question relative à la pratique des quotas ethniques, il dit qu’il ne croit pas en cette pratique. Parce que, d’après lui, « dans chaque groupe ethnique, il y a des gens compétents et talentueux. On ne devrait donc pas mettre l’appartenance ethnique avant le mérite et la compétence ».

À propos des élections, M. Alexis SINDUHIJE dit que « les élections est un outil de l’alternance pacifique au pouvoir et le MSD est un mouvement pacifique et pacifiste même. Il faut résoudre d’abord les problèmes des crises cycliques au Burundi. Car, le principal problème est celui de l’alternance au pouvoir et non celui des quotas ethniques. Le parti MSD veut en définitive le droit de perdre et non pas se voir imposé des élections qui n’ont pas été libres, justes et transparentes. Si on perd selon les normes, nous allons nous incliner et participer à la vie politique au sein de l’opposition. »

Par Bailly NDARUSANZE


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